Wednesday, October 3, 2007

Jean - Marcel Lefebvre

né en 1923 à Guéret dans la Creuse.Normand d'origine et plus précisément Cauchois.
Ex-enseignant.

Vit dans la Pas-de-calais depuis plus de trente ans.
Premiers poèmes publiés en 1945.

Principaux recueils : LIVRE D'HEURES, MYSTERES, LE FIANCÉ DE L'AURORE,
CONTREBANDE, RICOCHETS, LES CENDRES DE NOS BAVARDAGES, LE TEMPS
DE VIVRE, REFLETS BRISÉS MIROIRS CONSCIENTS ,GENÈSE SELON ADAM, etc...
Distingué à de nombreux concours poétiques ( Prix Paul Hazard 1990... )

On retrouve ses textes dans de nombreuses revues, notamment : Froissart, Résu ,
L'Encrier,Les Saisons du Poème, L'Ouvre-Boîte , etc...

***

Ecrire pour surprendre
comment se perchent les mots
au fil de nos pensées
dans le remue-ménage de nos silences.

Noter comment ils chantent
comment l'espoir de l'aile s'achève dans l'envol
comment ils tissent sur le rêve
la trame nécessaire
aux tapisseries provisoires
dont le soleil tôt ou tard mangera les couleurs
et où le temps effacera les ombres
prouvant pourquoi
comment
combien
nous sommes éphémères.

°°°°°°°°°°°°°°°
Lancer des mots sans voiles
pour contrarier les vents.
Chercher comment leurs chants
exploitent les rumeurs en feuilletant les flots
comme de vieilles bibles
brûlent les escales superflues
alertent les bateaux perdus
excitent le bal des sirènes
raturent les nuages
faussent le jeu de cartes qu'étale le soleil
se prennent au filet des rencontres surprises.

Et nous nous évadons
aveuglés à tirer sur de vivants reflets
et la corde des mots dont on a trop usé.

°°°°°°°°°°°°°
Les rochers qui usent le vent
et qui s'usent à user le temps
la pluie la mer et les regards
se délitent en fausse histoire
sous les vagues qui usent leurs chaînes
à les tirer sur les brisants.

Le sable remonte à sa naissance
dans le tangage et le roulis des vraisemblances
et le roulé-boulé qu'apprennent les galets
n'est qu'une façon de gémir
sur le temps faussant le passé.

On en oublie le chaud et le froid.
Et l'on se berce de tiédeur
sous un soleil multipliant
ses baisers éblouis sur le mouvant des vagues.
On échange quelques mots tendres
on submerge l'amour
dans un flot de banalités.

Et la beauté se noie sans traduction certaine.

°°°°°°°°°°°°°°
Chacun attend au bout de la lumière
le temps de mesurer son ombre.

On discute avec le soleil
histoire d'éclairer son chemin.

Les arbres au bord de l'avenue
griffent le vent à son passage.

Les fenêtres ouvrent leurs secrets
sur un monde toujours prisonnier
d'habitudes intarissables.

Mais le bonheur reste discret
à bord d'un coeur hâtant le pas
vers un amour incorrigible.

On attend pour sauver sa foi
de dénoncer sous les faux jours
le tralala des apparences.

Las de marcher, on évalue le chemin
à la mesure de sa fatigue
pour mieux comprendre la clarté
que vous déceme la lumière.

°°°°°°°°°°°°°°
La phrase suspendue
à trier les images
le poète décroche l'indicible
consulte son bonheur apparent

- les mots bien alignés
rénovent la mémoire -

jette des cailloux qui ricochent
sur la moire des eaux troublées
par un soleil qui se gendarme
contre les gamineries du vcnt

- l'image toute faite
ondule les clichés sans les véhiculer -

Les arbres, les roseaux, les hautes herbes de la rive
bercent leur peur et balancent leurs doutes
se réfléchissant mal
dans la transparente illusion
d'une surface à toute épreuve
sans pouvoir fixer le bonheur
une lumière apprivoisée.

- Autour du ricochet

clignant de l'oeil
le soleil enlace l'eau
et danse la capucine
en bousculant les nénuphars -

Le poète s'enroule autour de ces images.

°°°°°°°°°°°°°°°°
Sur la piste de l'invisible
le temps perd la mémoire
se greffe sur l'éternité.

Parole
que l'on cherche à prononcer
eau et feu
miroir aux alouettes
source
que les nuages épellent et appellent
sillage ensoleillé que signe
une barque encombrée d'inutile
terre et ciel à perte de vie
raison et horizon jusqu'à berner la vue
preuve gardant distance
épreuve : la foi floue : l'espérance a bougé

dans le courrier bonne nouvelle
le temps s'absente
et l'on se gave d'impatience
à vieillir et chercher
la beauté d'un poème
offrant à tous les hommes le bonheur en tous sens.

°°°°°°°°°°°°°°°°
Clairière à effeuiller le ciel
pour une ronde d'arbres

- La lumière et le vent animent un bal d'ombres -

Le blé trié, le feu brûle l'ivraie
le vent s'enrobe de fumée

- Les filles de la nuit convoquent des fantômes -

De l'autre côté du déluge
une colombe effarouchée
s'oblige à croire aux apparences

- Le rameau d'olivier est un espoir coupé -

Guettés comme des erreurs à corriger
armés de commentaires
permanents provisoires
nous caressons les mots pour un journal de bord
sans ailes, feuilles volantes
volées au vent des jours.

- la vie qui nous moissonne engrange les questions -

De l'apprentissage à l'habitude
le mensonge accapare un air de vérité.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°
L'itinéraire reste à prévoir.
La rue ouvre sur des impasses
et la route sur des mirages :
ne pas consulter l'illusion !

La vie renoue son tablier
pour dépoussiérer le décor
nettoyer les traces des doigts
sur les vitres
pour exorciser le soleil
puis renouveler le décor
ouvrir côté cour et côté jardin
distraire l'attention
des flâneurs flairant les vitrines
des badauds face aux bonimenteurs
et des passants pressés dévorés par le temps.

Les mots ont le sens du pouvoir.

La vie suspend son tablier
au clou d'où son balai balance.
Les meubles craquent et se souviennent
de l'acharnement des chasseurs
à l'affût, fascinés, sous la rumeur des arbres
pour les semonces et les semences du soleil

pendant que les mots clés se perdent
dans un fouillis de feuilles mortes.

°°°°°°°°°°°°°°°°°
L'été s'est retiré
avec tous les honneurs
veste de vent leste et légère
les cheveux en désordre
sous une couronne éphémère
de reines-marguerites,
entre deux flambées de nuages
entre deux haies d'arbres
sonnant déjà dans la fanfare
les cuivres de l'automne
au rythme d'un soleil détricoté
pendant que, bouche et mains ouvertes,
l'espoir perché sur les regards des visiteurs,
un vieillard assis sur un banc d'hospice
décrypte l'humeur du prochain hiver,
gestes essoufflés et phrases suspendues
aux branches de ses souvenirs.

Ces poèmes sont extraits de FEU L'APPARENCE , recueil qui obtint en 1992
le Grand Prix Régional Nord...